Nicolas aurait pu prendre le large après ses études artistiques et quitter sa région natale pour rejoindre de verts pâturages plus prometteurs. Mais il a eu la flemme : il a préféré rester. Ce qui lui vaut aujourd’hui d’être reconnu sur la scène artistique et culturelle locale.

Il a commencé en détricotant le sort de sa région : élue « la plus laide ville du monde » par un magazine flamand, la fatalité était-elle pour autant de mise ? Que neni !

En 2009, il rebondit sur ce nouveau titre peu glorieux en créant le délirant « Charleroi Adventure », un city-safari unique en son genre !  Avec humour et second degré, son projet de visite guidée met en lumière les côtés les plus sombres et les plus pathétiques de sa ville qu’il connaît sur le bout des doigts.

« Au début, il s’agissait d’un clin d’oeil amusé et amusant sur les clichés de ma ville, mais ça a tellement pris, que c’est finalement devenu une vraie activité professionnelle » m’explique Nicolas, amusé. 

Le truc, selon lui, c’est de conceptualiser le moche : au métro désaffecté, dangereux et glauque de la ville, il offre le sobriquet de « métro fantôme ». De son génie nait également « la rue la plus déprimante du monde », qui est en réalité la rue de la Providence : sacré destin ! On y rencontre Jeanine, une vieille carolorégienne unijambiste, qui raconte aux touristes les nombreux problèmes d’insécurité du quartier. Et puis c’est parti pour le sport : l’ascension d’un terril, colline de résidus miniers, offrant en son sommet le spectacle désolant d’une vue panoramique sur Charleroi.

Les touristes friands de cette délicieuse autodérision sont nombreux : ils débarquent à la gare des 4 coins du pays, du monde aussi. Leurs profils et leurs motivations diffèrent, mais la grande majorité repartent conquis par l’expérience unique qu’ils viennent de vivre : l’éloge de la laideur urbaine !

Et pourtant, la frontière entre le moche et le beau est fragile… Nicolas trouve un petit côté romantique à Charleroi, et il n’est pas le seul ! De nombreux artistes poussent plus loin le bouchon et y voient un potentiel esthétique d’une rare intensité. « Charleroi possède une aura apocalyptique telle que cela en devient beau », explique la chargée de com’ du BATCH, le « Bureau d’Accueil de Tournage de Cinéma Hainaut ». Et Nicolas confirme : il est à présent régulièrement contacté par des boites de production françaises qui ont un grand engouement pour les paysages et l’architecture de la ville et de ses friches industrielles. Il est plébiscité pour faire des repérages et il s’en réjouit, passionné d’architecture qu’il est. 

Lui qui regrette le manque de reconnaissance pour les projets artistiques et les initiatives culturelles à Charleroi ne rate aucune occasion de continuer son évangélisation carolorégienne. Des T-shirt « Ik houd van Charleroi », en passant par son safari urbain, il a acquis plus récemment un vieux théâtre art déco datant de 1927 qui était à l’abandon : le rebaptisé « Cercle St Charles ». Là-bas, tout est possible, tout est à faire ! Lui et sa bande de « têtes de lards » misent sur le collectif pour faire revivre ce lieu : autour d’un boudin compote, refaire le monde, partager, connecter les gens. C’est réjouissant ! Et la bonne nouvelle, c’est qu’un mec comme Nicolas, ça en garde toujours sous le coude… Et que son imagination est sans limites !

Ce qui m’a touché le plus en discutant avec Nicolas, c’est sa confession sur son parcours avec JECREEMONJOB.BE : « Avant, je bossais via la Smart. Depuis que je suis indépendant, je me sens libre. Libre de faire ce que je veux, et c’est grâce à vous. Je suis moins riche financièrement qu’avant, mais je suis bien plus riche personnellement. Cette liberté-là, elle me donne des ailes ».

Au début de notre discussion, il me confiait son rêve de gamin : devenir humoriste. Et, entre nous, on peut dire qu’il l’est devenu ! Sa scène à lui, c’est Charleroi. A l’heure où les frontières restent encore fermées pour plusieurs semaines, il nous offre de l’exotisme à un jet de pierre du quotidien. Je ne sais pas vous, mais moi, je repartirais bien pour un tour…